Les moines y ont disparus depuis quatre siècle. Pour
quelques privilégiés, ils continuent pourtant d’apparaître régulièrement
au cœur de leur abbaye abandonnée.
La première apparition des moines de
Beaulieu se situe dans les années 30. Ce jour-là, un couple d’amoureux s’isole
en fin d’après-midi aux abords de l’abbaye. Ils s’asseyent dans l’herbe,
se disent des mots tendres, échangent des baisers, quand soudain, ils
se sentent éloignés l’un de l’autre, attirés en arrière par une force
invisible. Se tenant par la main, ils essayent de se rapprocher, mais
n’y parviennent pas. En quelques secondes, le jeune homme se retrouve à
cinq mètres de sa fiancée. Elle pousse un cri de frayeur, appelle à
l’aide, mais il est dans l’impossibilité d’intervenir et d’éloigner ces
forces qu’il juge maléfiques. En fait, il s’agit de fantômes de moines,
probablement choqués par ces gestes osés en un tel lieu…
Mais cela, le couple ne l’apprendra que plus tard !
Durant la
Seconde Guerre mondiale, un régiment
britannique fait halte près de la chapelle de
Beaulieu,
cette dernière a été fondée par les
Cisterciens en l’an 1204 et a prospéré jusqu’à ce que le roi
Henri VIII décide
sa fermeture en 1538. Depuis les années 1930, les habitants savent qu’en
fait les moines n’en sont jamais vraiment partis. Et dans la région,
tout le monde en était convaincu depuis quatre siècle déjà ! Les
villageois échangeaient à la veillée des histoires de fantômes qu’ils
racontaient à leurs petits-enfants et qui, ainsi enjolivées,
traversaient les siècles. Mais revenons à cette année 1943. Une unité
anti-aérienne campe près de l’abbaye, envoyée pour une mission spéciale.
Dans la nuit, les officiers se réunissent pour établir un plan de
campagne pour les jours qui viennent. Ils sont sous une tente et
conversent ardemment, lorsqu’un souffle étrange agite le campement. En
cette soirée d’été, il n’y a pas le moindre brin de vent, aussi
plusieurs militaires pensent-ils à une soudaine tornade. Plusieurs
d’entre eux quittent la tente, regardent aux alentours, voient les
feuilles des arbres voler, les branches s’agiter, sans ressentir sur
leur visage le plus petit souffle d’air. Ils sont tous réunis et
s’interrogent sur ce mystère lorsqu’ils voient un groupe de moines
sortir de la chapelle. Le colonel les interpelle, mais les moines ne
répondent pas. Un capitaine court dans leur direction et traverse le
groupe sans toucher personne. Il n’y a plus aucun doute à avoir : ce
sont des fantômes ! Très réalistes, les officiers ne croient pas aux
fantômes habituellement et ceux-là ne font pas exception à la règle. Un
mirage alors ? Ils sont prêts à le croire quand celui qui paraît être le
chef des moines, c’est-à-dire le père supérieur, s’approche très près
d’eux et les informe d’une prochaine attaque aérienne dans la région.
Puis il disparaît…Quarante-huit heures après, des avions de la
Luftwaffe survolent l’abbaye de
Beaulieu…
Une nuit de l’année 1951, quelques jours avant Noël,
Michael
Sedgwick travaille d’arrache-pied à son bureau, vers minuit.
Directeur de recherches au musée de l’Automobile de l’abbaye de
Beaulieu,
Sedgwick travaille fréquemment la nuit, fumant
cigarette sur cigarette. L’atmosphère est si enfumée qu’il ouvre la
fenêtre pour aérer la pièce avant de partir se coucher. C’est alors
qu’il perçoit des chants catholique très proches. Il affirmera plus
tard : «
Cette musique douce, interprétée par des voix mélodieuses,
venait par vagues irrégulières, comme si elle sortait d’une radio en
mauvais état de fonctionnement. Les chants étaient si beaux qu’aussitôt
j’essayai de les capter sur mon propre poste de radio. Mais aucune
station ne diffusait une telle musique. Je dus me rendre à l’évidence :
un groupe d’hommes interprétaient ces chants religieux ! » Ce même
soir, à deux kilomètres de là,
Bertha Day, l’intendante
de l’abbaye, entend elle aussi les cantiques. Aux enquêteurs, elle
affirmera le lendemain : «
Je savais que ma voisine, Mme Mears,
venait de mourir. Je crus que des prêtres avaient été appelés pour dire
une messe à son chevet et je ne me posai pas davantage de questions. » En fait,
Mme Mears n’était déjà plus à son domicile
ce soir-là. Les enquêteurs, ainsi que
Michael Sedgwick et
Bertha Day, comprendront un peu plus tard que ce
sont les moines de l’abbaye qu’ils ont entendus ce soir-là chanter une
messe. Durant quelques semaines, la police alertée tente de découvrir si
des squatters n’ont pas pris possession de l’abbaye, à l’insu du
propriétaire. Mais non : aucun moine et aucun squatter ne vit plus à
Beaulieu depuis des siècles. Seul le révérend
Robert Fraser Powles affirme entretenir avec les moines, ou plutôt leurs fantômes,
d’excellentes relations. Il en connaît plusieurs par leur nom, en tutoie
certains. Ce sont des hommes morts au début du
XVI ème
siècle mais qui reviennent à chaque Noël pour célébrer un
office dans l’église du village. Le 24 décembre de l’année 1958,
lorsqu’un fidèle fait remarquer au révérend
Powles qu’il y a très peu de monde pour suivre la messe de minuit, ce dernier
répond : «
Il y en a beaucoup plus que vous ne voyez ! » Et
aussitôt des chœurs venus de l’au-delà résonnent harmonieusement dans la
petite église. En 1965, l’actrice
Margaret Rutherford (
la célèbre
miss Marple d’Agatha Christie au cinéma ) se
promène dans la région. C’est ainsi qu’elle rencontre un moine vêtu
d’une longue robe brune, lisant dans les ruines du cloître. Elle appelle
aussitôt un paysan cultivant son champ à quelques mètres de là, pour
qu’il constate la présence de ce moine lui aussi. Mieux : elle
photographie l’homme d’église appuyé contre un mur. Au développement, le
moine ne sera plus sur la photo et seul le mur en ruine apparaîtra.
Entre 1940 et 1980, les apparitions de moines sont si fréquentes à
Beaulieu que toute l’
Angleterre parle de l’abbaye. Une équipe
de cinéma se rend dans la région pour y tourner un film d’épouvante.
Mais les fantômes de l’abbaye n’aiment pas qu’on se moque d’eux ! Alors
qu’un technicien descend les marches d’un escalier tournant, au cœur du
monastère, il entend des pas derrière lui mais ne voit personne. Un peu
plus bas, il croise le metteur en scène et l’un des interprète du film,
auxquels il dit sa frayeur. Les trois hommes entendent alors très
distinctement les pas se précipiter dans leur direction. Ils ont même
l’impression d’être piétinés, dépassés, puis cette cavalcade s’éloigne
vers le bas, preuve qu’ils ont été croisés par des personnes invisibles.
Plusieurs comédiens affirmeront même avoir vu pénétrer dans le
cimetière, une nuit, plusieurs moines suivant un enterrement ! Dans tous
les cas, les descriptions des fantômes sont identiques : les moines
sont vêtus de marron, habit des frères de l’époque qui, plus tard, s’est
transformé en robe blanche. Et cela, personne ne pouvait le savoir !
L’abbaye
de Beaulieu appartient à la famille de
Lord
Montagu depuis 1673. Les
Montagu refusent de
toucher à la moindre pierre du monastère et déclarent que les fantômes
sont des amis pour l’éternité et qu’ils seront toujours ici chez eux !