La perte de l'immortalité
Chez les Ganda qui vivent au nord des rives du lac Victoria, on raconte cornment Kintu, un immigrant étranger qui fonda la dynastie royale du Buganda, alla chercher une femme au ciel. Le Dieu suprême lui donna sa fille Nambi. Il prévint son nouveau gendre que s'il ne regagnait pas sans tarder la terre avec sa femme, il serait accompagné du frère de Nambi, Walumbe, qui signifie « mort ". Kintu partit comme convenu avec Nambi, mais celle-ci réalisa en chemin qu'elle avait oublié de prendre des graines pour nourrir les poulets offerts par le Dieu suprême. Kintu essaya en vain de l'empêcher de faire demi-tour ; quand Nambi eut rattrapé Kintu, son frère Mort la suivait. Il élut domicile auprès du couple. Depuis ce temps, tous les hommes sur terre sont mortels.
Dans un mythe des Dinka, pasteurs du Soudan méridional, c'est également une femme qui est responsable de l'apparition de la mort sur terre. Au commencement, le Dieu suprême donna un Jour un seul grain de millet au couple Garang et Abuk pour subvenir à leurs besoins. Mais l'avide Abuk voulut planter davantage de grains et blessa involontairement le Dieu suprême avec l'extrémité de sa houe. La divinité courroucée décida alors de prendre ses distances à l'égard de l'humanité et envoya un oiseau bleu couper la corde qui reliait le ciel et la terre. Depuis ce temps, croient les Dinka, les humains doivent travailler dur pour se nourrir et souffrent de maladies et de mort.
Les aborigène australiens
La mort n'était pas inévitable, et les héros ancestraux du Temps du Rêve avaient eu l'occasion de vivre éternellement. Cependant, à cause de la rancune, de la bêtise ou de la cupidité, l'humanité perdit le don d'immortalité. Seuls le conservèrent la lune, qui croît et décroît chaque mois, et le crabe, qui se débarrasse de son ancienne carapace avant d'en faire pousser une nouvelle. Selon les Worora du district de Kimberley, Widjingara fut le premier être humain à mourir, tué dans un combat contre des êtres wandjina qui voulaient voler une femme promise en mariage à quelqu'un d'autre. Widjingara lutta pour faire respecter les règles du mariage établies par Wodoy et DJunggun . Son cadavre fut déposé dans un cercueil d'écorce et son épouse, Python à Tête Noire, prit le deuil. Elle se rasa les cheveux puis se couvrit la tête et le corps de cendres, instituant de la sorte les signes traditionnels du deuil aborigène. Lorsque Widjingara revint de sa tombe, son corps régénéré, Python à Tête Noire se mit en colère : « Pourquoi es-tu revenu ? lui demanda-t-elle. Regarde-moi, Je me suis déjà rasé la tête et l'ai noircie de cendres ! » Widjingara, qu'irrita profondément l'accueil peu aimable de son épouse, s'en retourna indigné dans sa tombe. Plus tard, il fut transformé en dasyure, un marsupial nocturne ressemblant au chat. Dès lors, toute possibilité de régénération était perdue. Chaque homme était désormais mortel, et le python porterait éternellement le deuil. Jusqu'à ce que les missionnaires s'opposent au début du XXe siècle à cette coutume, les Worora couchaient leurs morts sur une plate-forme funéraire et laissaient le cadavre se dessécher ; les ossements étaient ensuite recueillis puis ensevelis dans une grotte de la région natale du mort. Si la plate-forme funéraire n'était pas soigneusement édifiée, on pouvait parfois voir le Chat d'Australie, incarnation vivante de Widjingara, accomplir son office de charognard sur le cadavre en décomposition.
Les pasteurs nuer du Soudan méridional racontent qu'une corde reliait autrefois le ciel et la terre ; toute personne âgée qui y montait, redevenait Jeune grâce au Dieu suprême. Un jour, une hyène et un tisserin grimpèrent à la corde et entrèrent au ciel. Le créateur donna alors des instructions afin que ces visiteurs soient surveillés de près et qu'ils ne puissent pas retourner sur terre où ils seraient certainement la cause de troubles. Une nuit, ils s'échappèrent et redescendirent. Au moment où ils allaient toucher le sol, la hyène coupa la corde. La partie supérieure fut aspirée vers le ciel ; il n'y eut alors plus de possibilité pour les êtres humains de s'y rendre, et depuis ce jour, ils vieillissent et meurent.
Les Kuba du Zaïre racontent l'origine de la mort dans une version de leur mythe de création. Le créateur Mboom ou « Eau Originelle », avait neuf enfants, tous appelés Woot. Ils intervinrent chacun à leur tour dans la création du monde. Woot l'inventeur de ce qui porte des piquants comme le poisson et les épines, se bagarra avec Woot, l'aiguiseur de couteaux, qui façonna les premières lames aiguisées. La mort survint dans l'univers quand Woot l'inventeur de ce qui porte des piquants fut tué par une lame tranchante.
En Chine
Au commencement il y avait dix soleils, les fils de Di]un, l'empereur du Paradis de l'Est et de sa femme Xi He, déesse du Soleil. Ils habitaient un énorme mûrier qui poussait dans les eaux de la vallée du Paradis. Ces eaux étaient toujours en ébullition, car tous les soleils y prenaient leur bain. Le matin, les soleils, chacun à leur tour, montaient briller dans le ciel tandis que les autres se reposaient dans l'arbre. Mais un jour, las de cette vie trop régulière, ils se ruèrent tous ensemble dans le ciel où ils se mirent à courir comme des fous pour s''amuser. Leur puissance multipliée par dix avait déjà commencé à brûler gravement la terre, mais quand leurs parents leur dirent de se conduire dignement ils ne voulurent rien écouter. Alors, Di jun envoya son archer Hou Yi leur faire la leçon. Mais Yi tua de ses flèches neuf soleils. Di]un, au désespoir, priva Yi et sa femme Chang E de leur immortalité et les chassa du Paradis.