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| Sujet: Les Gardiens du Seuil Jeu 11 Juin - 12:20 | |
| L’un des gardiens les plus connus est le Sphinx de la mythologie grecque, envoyé par Héra pour ravager les terres et terroriser les thébains. Cette sphinge, puisqu’elle est de nature féminine, pose une énigme qu’elle a apprise des muses et que seul Oedipe résout, scellant ainsi son destin incestueux, puisqu’il obtient par ce fait la main de sa mère. En Egypte, nous trouvons aussi Sphinx et Sphinges censés garder les portes du monde souterrain, et alignés telle une armée devant les nécropoles, puis au nouvel empire, au pied des temples. Dans la mythologie nordique, Garm, le "cousin" de Fenrir, est le gardien enchaîné du monde des morts, le Niflheim (la "Maison des Brumes"), où tous les humains (sauf les guerriers) se rendaient au final. Ce chien ne brisera ses chaînes que pour tuer et être tué par Tyr lors du Ragnarök. Dans la mythologie indienne, quatre "Dikpâla" sont les gardiens de la cosmologie hindoue. Les huit Dikpâla sont les protecteurs, les régents des directions de l’espace. Indra, préside à l’est, Agni au sud-est, Yama au sud, Nirriti au sud-ouest, Varuna à l’ouest, Vayu au nord-ouest, Kubera au nord et Ishâna au nord-est. Lorsque les Dikpâla chevauchent leur Vâhana, on les appelle les Dikpâlaka. Egalement, les Naga veillent sur le monde souterrain (voir le post sur les serpents). Dans le monde romain, le dieu Janus a pour fonction d’être gardien des portes, des chemins, du début de l’année... Il a pour attribut une clef et une verge, ou marque les nombres de l’année (300 et 75). C’est le premier que l’on invoque lors d’un sacrifice à n’importe quel dieu/déesse. Cerbère, monstre dont la mythologie faisait le gardien des Enfers, est le fils de Typhon. C’était un chien à trois, cinquante ou cent têtes, selon les auteurs. Il est représenté avec une queue de dragon, et des têtes de serpent sur l’échine. Il était enchaîné à l’entrée des Enfers et terrorisait les morts eux mêmes qui devaient l’apaiser en lui apportant le gâteau de miel qu’on avait placé dans leur tombe en même temps que l’obole pour Charon déposée dans la bouche. Mais Cerbère était aussi terrible pour les vivants qui essayaient de forcer la porte des Enfers comme Pirithoos et Thésée, qui cherchaient à enlever Perséphone. Orphée le calma en lui jouant de la lyre, Psyché l’amadoua avec ses gâteaux comme un simple chien de compagnie, puis Enée lui jeta le gâteau soporifique préparé par la Sibylle. Héraclès seul, réussit à le dompter sans armes comme le lui avait demandé Hadès. Il l’étouffa à moitié puis enchaîna Cerbère et l’amena à Trézène. Eurysthée lui demanda de le renvoyer tout de suite aux Enfers tant il en avait peur." Encore un chien ! Sheiah, le gardien celte de l’occulte et des mystères, était le protecteur du monde et du savoir des druides contre la magie destructrice. Dans le monde Asiatique, les dragons sont souvent des gardiens de seuil, notamment lors des fêtes du nouvel an chinois, où les faire danser devant sa maison protège pendant l’année. Un loup gardien, Sirius, protège aussi le palais céleste en Asie. D’un point de vue symbolique, tous ces gardiens (et ceux que je n’ai pas cités) ont un rôle particulier qui a suscité quelques réflexions très intéressantes. Je voulais en faire un résumé, mais je préfère vous les livrer ainsi, car je pense que ces auteurs expriment parfaitement leur réflexion et permettent d’entrevoir la nature profonde et surtout l’utilité de ces gardiens. Nous nous saurions les minimiser, ou toucher leur vraie importance en se limitant eux apparences. Le gardien provoque notre convoitise, nous oblige à entreprendre une action méritoire car, pour triompher, il faut savoir surmonter un obstacle, il faut dominer sa peur, il faut vaincre toutes les difficultés qui ne manquent pas de surgir. Cet animal fabuleux, gardien d’un bien ou d’un secret qu’il connaît, nous oblige à nous vaincre nous-même, à dépasser notre nature élémentaire ; il est celui qui permet que nous nous affirmions en faisant la preuve de nos vraies valeurs ; il est un mal nécessaire selon l’optique gnostique. Par lui, l’homme se régénère. Le vieil homme meurt à sa vie profane, renaît dans un monde nouveau qui lui est révélé par les mystères initiatiques où les symboles vivent et entrent en action. Les monstres placés à l’entrée des temples, devant les cavernes comme celle des Sept dormants ou comme en Chine, devant les simples demeures, sont sans doute les défenseurs interdisant l’entrée du local privilégié, mais ils sont principalement des agents de transformation, des psychopompes. Le sphinx énigmatique sonde l’insoluble mystère.
Comme le note Olivier Beigbeder : "Le nombre des héros mystiques qui sont aux prises avec les dragons doit être rattaché à leur conception des vies successives". C’est ainsi que, dans les légendes, nous voyons un Sigur scandinave vainqueur de Tafnir, Gilgamesh babylonien aux prises comme Adam et Yima avec le serpent qui lui a volé l’herbe arrachée aux enfers, Thor germanique luttant contre le Serpent Mondial, Osiris contre Apophis, et surtout en Inde, Krichna contre Nysoumba, la noire Indra Vrtra, Thraïtona contre le Dragon à trois têtes dans l’Avesta, dragon qui rappelle celui de l’Apocalypse .
Ces monstres ne seraient-ils pas nous-mêmes ? Ne sont-ils pas, finalement, la représentation de nos instincts, de notre angoisse, de tous nos désirs malsains ? Ces animaux fabuleux représentent le côté animal que chaque homme porte en lui ; ils sont des étapes nécessaires dans le processus initiatique ; leur sang souvent répandu régénère celui qui parvient à les dominer. Ces bêtes prisonnières de leur instinct nous restent méconnues ; on ne sait ce qu’elles pensent, si elles ont elles-mêmes la possibilité de se perfectionner, si elles ont un accès à la suprême vérité. On plaint même ces gardiens du seuil qui ne sont vaincus, le plus souvent, que par une ruse, une complicité extérieure acceptée encore par des dieux : un intermède sanglant voulu par l’Olympe organisateur.
Alors, ne serait-ce pas un sacrifice ? Le monstre vigilant meut par les mains de celui qui a su dépasser l’angoisse causée par son intrusion dans un monde qui lui est étranger, mais où il a su vaincre les obstacles. A chaque épreuve, cet homme s’est dépouillé un peu plus lui-même ; parvenu à la chambre secrète, au centre de l’idée, il s’est rencontré lui-même dans sa plénitude. Il a détruit son propre reflet et tout ce qui était factice et impur. II a abandonné ses passions, tous ses vils métaux ; purifié, transfiguré par ce baptême de sang d’un innocent gardien, il renaît différent. C’est venir à l’acte initiatique où, par un rite de passage, on introduit dans le vieil homme perverti une force ascensionnelle qui le modifie et en fais un être nouveau. L’homme, en naissant pour la seconde fois, entre dans un monde meilleur, éthéré. Il accède aux fabuleux trésors grâce à sa transformation intérieure, à ce vaste processus de mort et résurrection, base de toute société initiatique.
Seul, le disciple peut comprendre ce que c’est qu’être abandonné par les esprits du peuple et de la race ; lui seul peut savoir combien toute l’éducation reçue est de peu de poids en face de la vie qui l’attend désormais. Car tout ce qui lui a été apporté se désagrège lorsque se rompent les liens entre volonté, pensée et sentiment. Il regarde les résultats de toute l’éducation reçue comme on regarde une maison lézardée de toutes parts et qu’il s’agit de reconstruire sur un nouveau plan. C’est donc plus qu’un symbole si l’on dit : Après que le gardien du seuil a fait connaître ses premières exigences, alors, de l’endroit où il se trouve, se lève un vent de tempête, un vent qui éteint toutes les lumières spirituelles qui, jusqu’alors, ont éclairé pour le disciple la route de l’existence. Une obscurité totale s’étend devant le disciple. Elle n’est interrompue que par l’éclat qui émane du gardien du seuil. Du sein de cette obscurité sortent de nouveaux avertissements : « Ne franchis pas mon seuil avant d’être sûr que tu vas rendre, par toi-même, de la lumière à ces ténèbres ; ne fais pas un pas de plus si tu n’es pas certain d’avoir assez d’huile spirituelle pour alimenter désormais ta propre lampe. Car les lampes des guides qui t’éclairaient jusqu’ici te feront défaut à l’avenir. » Après ces paroles, le disciple doit se retourner et porter ses regards derrière lui. Le gardien du seuil écarte alors pour lui le rideau qui cachait jusqu’ici les mystères profonds de l’existence. Il découvre dans leur pleine activité les esprits de la famille, du peuple, de la race ; il voit précisément qu’il a été guidé jusque là et il lui devient clair que désormais il ne le sera plus. Tel est le second avertissement que, près du seuil, on reçoit du gardien. |
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